PANNEAU EN LAQUE DE COROMANDEL
REPRESENTANT DEUX ELEPHANTS BLANCS DANS UN PAYSAGE
DYNASTIE QING ( 1644-1912 )
EPOQUE KANGXI, XVIIIe SIECLE
H: 51 X L: 47 cm
PROVENANCE: GALERIE DUCHANGE
Un éléphant blanc est un éléphant albinos. Extrêmement rares, les éléphants blancs sont considérés en Asie comme des joyaux inestimables. Leur particularité est perçue comme une manifestation visible de leur origine divine ; en conséquence de quoi, on croit depuis toujours qu’ils sont dotés de pouvoirs magiques.
Dans l’hindouisme, la monture (vahana) du dieu Indra est un éléphant blanc, Airavata, souvent représenté avec plusieurs têtes. Dans le bouddhisme, la mère du Bouddha (Siddhartha Gautama) est censée avoir rêvé au cours de sa grossesse d’un éléphant blanc qui lui offrait une fleur de lotus, symbole de pureté.
À l’époque historique, deux éléphants blancs ont été offerts à des souverains européens :Abul-Abbas († 810) à Charlemagne et Hanno († 1516) au pape Léon X.
La possession d’un éléphant blanc est l’apanage des rois et des princes. C’est un symbole royal de souveraineté.
Abul-Abbas, l’éléphant blanc de Charlemagne
En 797, Charlemagne avait envoyé à Haroun ar-Rachid, calife de Bagdad, une ambassade menée par un marchand juif, Isaac, connaisseur de la langue arabe. Celui-ci en revint cinq ans plus tard, le 20 juillet 802. Passé par Jérusalem, puis longeant la rive sud de la Méditerranée jusqu’à Carthage, il y avait pris le bateau et débarqua à Marseille. Il atteignit Portovenere en octobre 801, passa l’hiver à Verceil, et au printemps remonta probablement la vallée du Rhone, jusqu’à la résidence de l’empereur à Aix-la-Chapelle, où il arriva le 1er juillet 802.
Parmi les précieux cadeaux dont il était porteur se trouvait un éléphant blanc d’origine indienne, qui fit forte impression. On le prénomma Abul Abbas, le « père d’Abbas » et Charlemagne l’exhiba à plusieurs occasions devant ses hôtes de marque. Il fut logé à Augsbourg , en Bavière du Sud. En 804, lorsque le roi Godfried de Danemark attaqua un village, Charlemagne envoya son éléphant avec les troupes qu’il mobilisa contre lui.
Abul-Abbas avait une quarantaine d’années et s’adapta mal au climat européen. Il mourut de pneumonie dans la ménagerie d’Aix-la-Chapelle en 810, probablement après avoir nagé dans le Rhin.
Le souvenir de l’éléphant blanc perdure : le trésor de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle conserve un olifant (cor) en ivoire qui selon la légende passe pour être une des deux défenses d’Abul-Abas ; dans certains jeux d’échec, si le fou se présente sous la forme d’un éléphant on le doit, dit-on, à Abul-Abas, l’éléphant blanc de Charlemagne. (NB : le fou (fol en ancien français) s’appelle fîl (« éléphant ») en arabe.)
Hanno, l’éléphant blanc de Léon X
Hanno (en italien, Annone ; c.1510-8 juin 1516 ) est l’éléphant blanc donné comme animal de compagnie par le roi Manuel 1er de Portugal (1469-1521) au pape Léon X, né Jean de Médicis(1475-1521), pour son couronnement. Hanno est arrivé à Rome en 1514 et est rapidement devenu l’animal préféré du pape. Hanno est décédé deux ans plus tard des suites de complications dues à un traitement contre la constipation pratiqué avec un laxatif enrichi avec de l’or.
Voyage d’Hanno à Rome
En 1514, Manuel Ier organise une délégation de soixante-dix plénipotentiaires qui doivent, sous la direction de Tristao da Cunha, conduire à Rome par bateau quarante trois animaux sauvages rares appartenant au souverain. Le prétexte de cette entreprise diplomatique, dont le point culminant est un éléphant conduisant le cortège, est le rôle que le pape a joué depuis le traité de Tordesillas signé en 1494 dans la délimitation des possessions coloniales espagnoles et portugaises. Pour affirmer le commerce nouveau et lucratif des épices contre les Espagnols, le roi Manuel veut alors s’assurer les faveurs du nouveau pape.
Les préparatifs du voyage durent des semaines, le chargement provoque la curiosité des habitants de Lisbonne. Le transport de l’éléphant visiblement nerveux de la ménagerie du palais Ribeira jusqu’au bateau devient légendaire. Son départ donne lui à une fête populaire. Le voyage très bien organisé se déroule sans problème jusqu’aux côtes italiennes. Dans les ports, le voyage est tumultueux, la population curieuse rendant en effet difficile les haltes. Sur les chemins, l’éléphant fait sensation. Dans une auberge de Corneto dans laquelle le cortège est logé, la foule qui veut apercevoir l’éléphant fait s’écrouler le toit du bâtiment.
Par la suite, le voyage de la délégation et de son cortège est de plus en plus difficile. Les curieux devenant de plus en plus nombreux, la logistique du voyage échappe alors à tout contrôle. La décision de s’en tenir au calendrier malgré les demandes des villes et des nobles de recevoir l’animal chez eux augmente de manière manifeste la véhémence de la curiosité dévastant tout avec elle. Lorsque les premières maisons à la périphérie de Rome sont endommagées, le pape Léon X envoie une compagnie d’archers de la Garde suisse, attisant ainsi la curiosité des
notables romains qui se rendent à la rencontre du cortège. L’abri d’Hanno devant les portes de Rome en attendant la préparation de son entrée triomphale dans la ville fait figure de forteresse.
Le 19 mars 1514, sous la conduite de da Cunhas, la délégation peut enfin faire entrer dans la ville l’éléphant surmonté d’une construction ressemblant à un château et à offrir en respectant le cérémonial de manière exemplaire les cadeaux au pape. Selon les témoignages, le pape est enthousiasmé par l’animal.
L’annonce du succès de la mission diplomatique pousse Manuel Ier à envoyer à Rome un an plus tard en 1515 un rhinocéros provenant d’Albuquerque. Immortalisé par Albrecht Durer, l’animal n’est cependant pas arrivé vivant.
Dans les différents témoignages existants, Hanno est présenté comme un éléphant blanc. Étant donné qu’il n’existait en Europe au xvie siècle aucune possibilité de comparaison dans la nature, on admet aujourd’hui que l’éléphant devait être au moins d’une couleur claire. En Inde et à Ceylan, les éléphants blancs étaient traités d’une façon particulière. Les sources qui témoignent de l’origine d’Hanno amènent certes à la conclusion que l’animal était jeune et éduqué ce qui a sans nul doute augmenté la valeur du cadeau mais on n’y trouve pas d’indice concernant le statut particulier de l’animal en tant qu’animal blanc.
Contexte
C’est environ depuis l’an 800 que les éléphants, envoyés par des souverains orientaux comme des princes indiens ou des vassaux d’Afrique du Nord, sont arrivés en Europe comme cadeaux ou tributs diplomatiques.Charlemagne reçoit ainsi l’éléphant Abul-Abbas en 8021 et Frédéric II l’éléphant de Crémone de la part d’ Al-Kamel. À l’issue de la sixième croisade, Saint Louis ramène un éléphant qu’il offre au roi d’Angleterre Henri III. Depuis la fin du Moyen Age , cet animal était devenu un accessoire apprécié de la mise en scène politique de certains souverains européens. C’est ainsi que le voyage du futur Maximilien II avec l’éléphant prénommé Soliman vers Vienne en 1551/1552 est resté dans l’histoire de la diplomatie. Louis XIV a possédé pendant treize ans une éléphante à la ménagerie royale de Versailles. L’animal ne pouvait cependant rester longtemps la « monnaie vivante achetant les sympathies ». Le climat inhabituel et le stress des représentations ont souvent eu raison de l’animal.
Les colonies portugaises fondées après la découverte du passage oriental vers l’Inde en 1498 et mises en valeur essentiellement grâce au commerce des épices ont poussé Manuel 1er à s’entourer, comme l’aurait fait un maharadja, d’éléphants dans sa résidence de Lisbonne. C’est ainsi qu’il se fait accompagner à la cathédrale par au moins cinq éléphants. Lorsque le nouveau pape est élu et que Manuel Ier selon la coutume doit lui faire un cadeau, ce dernier lui envoie un pachyderme du nom d’Hanno.
Laque de Coromandel
Créés à partir du XVIIe siècle en Chine, le nom des laques dits « de Coromandel » fut donné par les anglais d’après le nom de la côte orientale de l’Inde où les laques étaient chargés sur les navires de la Compagnie des Indes afin d’être exportés vers l’Europe. Ces laques connurent un succès certain en Europe aux XVIIè et XVIIIè siècles, notamment sous la forme de cabinets ou de grands paravents pouvant atteindre des dimensions impressionnantes. Arrivées en Europe, certaines de ces réalisations furent démembrées afin d’orner des commodes et autres meubles comme notre petite table.
La technique du laque de Coromandel, dont les réalisations étaient effectuées directement en Chine, consiste à recouvrir le bois d’un tissu fin maintenu par un enduit de colle végétale. La laque était ensuite posé par couches successives. Le décor est enfin peint et cerné d’incisions.
Encadrement en bois peint en noir et filets or en vernis européen,54×51 cm.